Des fleurs pour Algernon

L’HISTOIRE

Comme d’habitude et s’il n’est pas déjà trop tard, je ne saurai que trop vous déconseiller de lire les quatrièmes de couvertures ou résumés qui pourront vous tomber sous la main. On nous en dit toujours trop ! Pour ma part, je vais essayer de ne pas vous spoiler.

DSC_2305 Le journal de Chrys

On propose un jour au héros, Charlie Gordon, de devenir le cobaye d’une expérience scientifique inédite chez l’homme, mais qui a déjà réussi sur une souris de laboratoire nommée Algernon : on peut le rendre intelligent. Supérieurement intelligent, même. Car Charlie est ce qu’on pourrait appeler un « attardé mental » (ça va, c’est politiquement correct ?). On suit donc sa spectaculaire évolution,  ainsi que celle d’Algernon qui illustre, avec quelques semaines d’avance (et ce n’est pas anodin), les progrès de Charlie…

L’ÉCRITURE

Plus que le sujet lui-même, c’est la forme du roman qui m’a immédiatement accrochée. En effet, c’est le journal intime de Charlie que nous lisons, ou plutôt son carnet de bord. Cela fait partie de l’expérience : il doit chaque jour noter ce qu’il s’est passé dans la journée, ses pensées et ses émotions. Le lecteur prend donc conscience des changements qui s’opèrent chez Charlie avant qu’il ne s’en rende compte lui-même.

Le roman s’ouvre ainsi :

Conte randu N° 1

3 mars. Le Dr Strauss dit que je devrez écrire tout ce que je panse et que je me rapèle et tout ce qui marive à partir de mintenan. Je sait pas pourquoi mais il dit que ces un portan pour qu’ils voie si ils peuve mutilisé. J’espaire qu’ils mutiliserons pasque Miss Kinnian dit qu’ils peuve peut être me rendre un télijan. Je m’apèle Charlie Gordon

Vous faisons la connaissance d’un Charlie visiblement arriéré mentalement, dont la réflexion semble se rapprocher de celle d’un enfant. Il se montre naïf et sincère, et tout ce qu’il souhaite, c’est bien faire pour qu’on soit gentil avec lui.

 Sixième conte rendu

8 mars. […] Le Pr Nemur dit que si elle réussi bien et définitiveman ils pourron rendre d’otre jen come moi un télijen eux ossi. Peut être des jens dams le monde antier. Et il a dit que ça signifiai que je vai faire quelque chose de grand pour la sience et que je serai célèbre et que mon non restera dans les livres. Je ne tien pas telement a être célèbre. Je veux simpleman devenir un télijen come les otres de manière que je puisse avoir des tas d’amis qui m’aime bien.

Dès l’opération réalisée, le lecteur peut déjà constater les progrès de Charlie, et on n’a qu’une hâte, avancer dans l’histoire pour voir jusqu’où cela ira.

Compte rendu N° 7

11 mars. L’opération ne m’a pas fait mal. Le Dr Strauss l’a faite pendant que j’étais endormi. Je ne sais pas coment parce que je n’ai pas vu mais j’ai eu des pansements sur les yeux et sur la tête pendant 3 jours et je n’ai pas pu faire de compte rendu jusqu’à aujourd’hui. L’infirmière toute maigre qui me regardait écrire a dit que je fais des fautes elle m’a dit coment s’écrit COMPTE et aussi RENDU. Il faut que je m’en souvienne. J’ai une très mauvaise mémoire pour l’ortografe.

Alors qu’au début du livre, Charlie a énormément de difficultés à identifier et à décrire ce qu’il ressent, ses capacités d’introspection augmentent en même temps que son intelligence progresse. Mais si l’opération a pu décupler son Q.I., il demeure immature émotionnellement  et ne sait pas toujours comment interpréter ce qui lui arrive (il commence à être troublé en présence de certaines femmes, par exemple).

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Photogramme du téléfilm Des fleurs pour Algernon, adapation libre du roman (France 2, 2006)

Le plus bouleversant, pour lui comme pour nous, est qu’il prend brutalement conscience de ce qu’il était avant. Il était heureux ingénu, mais ceux qu’il pensait alors être ses amis ne faisaient que rire de lui et l’utiliser. Pour la première fois aussi, des souvenirs de son enfance lui reviennent : l’attitude désespérée de ses parents face à cet enfant « anormal », sa relation à sens unique avec sa sœur… Et pendant ce temps là, à chaque instant, saisissant chaque opportunité, il apprend, il apprend, il apprend…

Compte rendu n°13

10 juin. […] c’est que plus j’avance, plus je me rends compte que je ne savais même pas que ce que je ne savais pas existait.

A-t-il vraiment cessé d’être un jouet pour les autres ? Sa condition de « cobaye » lui devient insupportable. Monstre il était, monstre il est devenu. Il est passé d’un extrême à l’autre et se sent extrêmement seul. Tout au long du livre, on peut suivre ses états d’âme, qui deviennent de plus en plus complexes.

14 juillet. C’était un mauvais jour pour aller à Warren, gris et bruineux, et cela explique peut-être la dépression qui m’étreint quand j’y pense. Ou peut-être, sans que je veuille me l’avouer, est-ce l’idée d’y être envoyé qui me bouleverse.

Le carnet de bord de Charlie a débuté un 8 mars et s’achève le 21 novembre. Je vous laisse découvrir la suite !

MON VERDICT : UN MUST-READ !

Des fleurs pour Algernon est un classique. Voilà. Il n’y a qu’à voir le nombre d’adaptations qui en ont été faites (films, pièces de théâtre…) ! On en trouve même des extraits dans les manuels scolaires, et on en recommande la lecture aux élèves. Consécration ultime, plusieurs épisodes des Simpsons y font explicitement référence.

226ASP6179944780Comme toute oeuvre de science-fiction, ce roman n’est pas que divertissant : il fait
réfléchir. Sur l’évolution de la science, sur la société, sur soi, sur la condition humaine. Les situations décrites sont parfaitement crédibles, les rapports entre les personnages réalistes. On en ressort le cerveau bouillonnant, avec l’envie d’en parler partout autour de nous. Bref, lisez-le ! (sans vouloir vous commander)

Pour prolonger le plaisir et la réflexion (merci Youtube) :

  • le téléfilm de France 2 avec Julien Boisselier : une adaptation très libre mais suscitant le même trouble (moins crédible néanmoins selon moi, surtout en ce qui concerne les relations entre les personnages). 2006
  • le film avec Grégory Gadebois (tiré de la pièce de théâtre avec le même comédien) : beaucoup plus proche du texte originel, il prend la forme d’un monologue pour retranscrire le point de vue de Charlie dans son journal. 2013

Des fleurs pour Algernon (Daniel Keyes, traduction Georges H. Gallet, 1966)- 256 pages

Reading Challenge 2016, pour la catégorie « un livre avec une fleur ou un arbre dans le titre » (un peu capillotracté, je l’avoue)

4 réflexions sur “Des fleurs pour Algernon

  1. J’ai lu ce roman il y a des siècles, je l’ai étudié au collège avec mon prof de français et je me souviens l’avoir adoré ! Je ne savais pas que ce roman avait été autant adapté. Pour moi, c’est de la très bonne science fiction (et je ne suis pas spécialement adepte du genre, sauf Barjavel qui pour moi est extraordinaire). Merci pour cet article qui ravive de bien beaux souvenirs !

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  2. Pingback: Qu’est-ce que l’intelligence ? Des fleurs pour Algernon : une souris, un homme, une oeuvre majeure – La petite Mu qui plume

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