Le Centre National du Costume de Scène : pourquoi j’ai été déçue

« Magnifique », « superbe », « époustouflant », « à voir absolument ». Une surenchère de commentaires unanimement extatiques : voilà ce qu’on trouve lorsque l’on cherche des avis sur le CNCS. À en croire les visiteurs, j’allai forcément passer un incroyable moment en découvrant à Moulins ce musée du costume dont j’entends parler depuis si longtemps.

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POURQUOI UN TEL ENGOUEMENT ?

Les costumes exposés sont magnifiques, je ne peux évidemment pas dire le contraire, et le bâtiment qui les accueille, une ancienne caserne militaire superbement restaurée et classée monument historique, l’est tout autant.

J’aurai vraiment du mal à vous en dire plus de bien, et j’avoue ne pas comprendre l’enthousiasme général concernant cet endroit. Ce que j’ai vu, ce sont des costumes disposés façon « photo de famille », à peine éclairés, sur des fonds noirs ou blancs d’une extrême sobriété (et d’après le titre de l’exposition Barockissimo, je m’attendais à autre chose). Je précise, car c’était loin d’être une évidence pour moi, que le musée fonctionne avec des expositions temporaires. On n’a donc qu’un minuscule aperçu des quelque 10 000 costumes conservés au CNCS, car chaque exposition en montre seulement une centaine. Celle que j’ai pu visiter est visible jusqu’au 18 septembre 2016.

POURQUOI JE SUIS DÉÇUE ?

J’entends déjà les gens qui me liront pousser les hauts cris, car je me rends bien compte que mon avis va à l’encontre de celui relayé partout. Pour la petite anecdote, en feuilletant le livre d’or laissé à disposition des visiteurs, je n’ai lu que des commentaires très positifs. Sauf un, développé et argumenté et façon sincère et courtoise sur plusieurs pages, de la part de quelqu’un qui était très déçu. Cela m’a rassurée, car j’étais en tous points d’accord avec cette personne. Puis j’ai lu le commentaire suivant : « Que certains doivent être difficiles à vivre ! ». Voilà donc à quoi l’on s’expose en exprimant un avis contraire…

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On pourra me faire remarquer que je n’y connais rien (en scénographie, en haute-couture et en opéra), et on aura raison. On pourra me dire aussi que je n’ai pas compris la mise en scène proposée par les commissaires d’exposition. C’est sûrement vrai. Mais sortir d’un musée sans avoir rien appris me semble un comble, et pourtant…

Comme il n’y avait pas de visite guidée proposée au moment de notre visite, nous avons choisi de prendre des audioguides (non compris dans le prix d’entrée). Et nous aurions mieux fait de nous abstenir. À croire que la personne dont on entend la voix a été punie, tant le ton est monocorde. Impossible de le proposer à un enfant, et même un adulte devra faire de gros efforts d’attention pour ne pas décrocher. Sachez aussi que cet audioguide ne couvre que l’exposition permanente sur Rudolf Noureev (mais est-ce vraiment une déception ? je crois que j’étais plutôt soulagée de m’en débarrasser).

Deuxième constat, l’ensemble de l’exposition est peu éclairé, voire dans une semi-pénombre pour celle du rez-de-chaussée. J’imagine que ce doit être un choix, mais cela ne m’a pas plu (dans ces conditions, lire les panneaux explicatifs est pour le moins inconfortable). Seule la dernière salle, celles des Indes galantes, explose de couleurs. Comme par hasard, c’est celle que tout le monde cite.

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Coup de cœur, tout de même, pour ce triple costume incroyable, porté par des artistes jouant les trois Parques. Heureusement, je savais qui étaient les Parques et j’ai pu l’expliquer aux membres de ma famille qui m’accompagnaient. Cette robe immense en taffetas violine mesure 3,20 mètres de long, et elle a été créée à l’origine pour accueillir un trio d’artistes, dont un non-voyant guidé par ses deux compagnons, c’est fou non ? Mais alors, j’ai au moins appris quelque chose, me direz-vous, convaincus de ma mauvaise foi ! Oui, j’ai effectivement appris des choses. Une fois rentrée chez moi, et après avoir farfouillé sur Internet.

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Il y a bien quelques explications inscrites sur les murs (principalement des éléments de biographie), mais c’est à se demander si tout n’est pas fait pour qu’on ne les lise pas : il faut souvent tourner le dos aux costumes. De même, chaque groupe de costumes est accompagné d’un écran diffusant une vidéo de l’opéra concerné, histoire de voir les costumes vivre. Excellente idée. Sauf qu’il est difficile de regarder à la fois les costumes et la vidéo (dans notre dos ou au-dessus de nos têtes).

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CE QUE J’AURAIS AIMÉ

Barockissimo est présentée comme une « exposition festive » et « pleine de joie de vivre », mais je n’ai rien vu de tout cela. Je ne connais aucun artiste d’opéra : inscrire leur nom à côté d’un costume ne m’apporte donc rien. J’aurais aimé voir des images les montrant en plein essayage, par exemple, ou tout simplement des photos d’eux. J’aurais également aimé apprendre des choses sur les tissus utilisés, sur les techniques de confection, ou encore des anecdotes sur les représentations (ça n’arrive jamais qu’un bouton saute ou qu’une couture craque ?) J’aurais aimé enfin que l’intrigue des opéras nous soit expliquée, pour pouvoir comprendre les choix des costumiers.

Peut-être aurais-je eu toutes ces informations si j’avais suivi une visite guidée. Je ne le saurai sans doute jamais. Cependant, dans la mesure où elle n’est pas systématiquement proposée, je ne trouve pas normal qu’on ne nous donne pas tous les éléments pour pouvoir apprécier pleinement une visite libre.

Vous l’aurez compris, le monde de l’opéra m’est complètement étranger, mais j’aime apprendre et découvrir de nouvelles choses. N’est-ce justement pas le propre d’un musée de parvenir à instruire et à intéresser un public a priori néophyte ?

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5 réflexions sur “Le Centre National du Costume de Scène : pourquoi j’ai été déçue

  1. Je n’ai jamais été au CNCS mais pour travailler dans un musée et avoir fait des études en relation (du coup), je n’en ai toujours entendu que du bien mais… pour le « très, très » grand public…
    En tout cas, ton article est intéressant. Pour le côté sombre de la scénographie et le « peu » de costumes exposés, les textiles sont une des choses les plus difficiles à conserver et à exposer convenablement, on nous enseigne en muséo, que les textiles craignent la lumière d’où le choix fréquent de scénographie assez sombre (avec parfois des lumières minuteurs, c’est le cas à la cité internationale de la dentelle et de la mode par exemple) et aussi le turn-over des expositions.

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    • Merci pour ton commentaire ! J’ai effectivement pensé à un problème de conservation des tissus, mais je n’avais jamais vu un musée aussi sombre (il est vrai que je n’avais jamais visité de musée spécifiquement dédié aux tissus). Qu’entends-tu par « le très très grand public » ? j’ai l’impression au contraire qu’il est difficile d’apprécier sans connaître… Pour résumer, je pense en effet qu’on peut trouver les pièces magnifiques, mais pas la présentation qu’en fait le musée (je parle de la visite libre).

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